La scène se passe dans une salle de conférence de l’hôtel Westin Diplomat à Hollywood, en Floride, le 20 juin 2004. Au moment où Jerri New, alors directrice canadienne du Syndicat international des employées et employés professionnels et de bureau (SIEPB), a remis au président du SIEPB, Michael Goodwin, l’avis officiel que nous exercions notre droit à l’autonomie. Notre tout nouveau syndicat canadien était né.
Notre nom, le Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau et Canadian Office and Professional Employees Union en anglais (COPE-SEPB), sera officialisé quelques jours plus tard.
Mais ça, ce n’est que la version abrégée de l’histoire. Le cheminement vers l’autonomie et la naissance du COPE-SEPB témoignent de la passion, de la détermination et de la solidarité de nos membres à travers le pays, qui se sont battus pour prendre en main leur propre destin, protéger leurs membres et s’assurer que leurs préoccupations soient au premier plan.
Les graines de la discorde ont été semées dès 1959 à Montréal, lors d’un congrès du SIEPB, lorsque Marcel Francq, alors président de la section locale 57 du Québec, a pris la parole pour dénoncer l’absence d’un véritable syndicat canadien des employées et employés de bureau.
Au cours des quelque 35 années qui ont suivi la première intervention de Marcel Francq sur la question de l’identité canadienne, les membres canadiens du SIEPB ont obtenu des avancées sur des sujets liés à l’autorégulation et l’autodétermination. Notamment, que les politiques canadiennes soient déterminées par les Canadiens, que la correspondance du Québec soit rédigée en français, que deux vice-présidents canadiens soient élus par les membres canadiens et qu’un directeur canadien ait le pouvoir de parler au nom des membres canadiens.
Le gain le plus notable, cependant, est un changement constitutionnel en 1974 qui reconnaît le droit des sections locales du SIEPB au Canada d’établir leur propre syndicat national autonome. L’espoir à l’époque était que ce changement contribuerait à soutenir les efforts de syndicalisation au Canada. Au final, cette disposition est restée dormante dans la constitution pendant 30 ans… jusqu’à ce qu’elle érupte comme un volcan en 2004.
Lors de sa première réunion en tant que nouvelle directrice canadienne du SIEPB en mars 2004, Jerri New a vite compris que c’était le début de la fin de notre longue appartenance au SIEPB. La réunion avait pour but de discuter d’une proposition d’augmentation de deux dollars par mois de la cotisation per capita des membres canadiens. À ce moment-là, le dollar canadien s’échangeait à un prix bien inférieur à celui du dollar américain.
Mais le plus choquant, c’est que l’OPEIU a présenté la proposition comme une affaire réglée, sans possibilités de discussion. Ils n’étaient pas réceptifs à nos préoccupations concernant la faiblesse du dollar canadien, et que cela signifiait en pratique que les membres canadiens paieraient un pourcentage plus élevé de leurs salaires que leurs homologues américains. Nous avions également fait valoir, en vain, que le SIEPB basé aux États-Unis concentrait ses efforts politiques exclusivement sur ce pays, au détriment des préoccupations politiques de nos membres canadiens.
L’annonce de l’augmentation des cotisations est arrivée à un moment vraiment inopportun pour nos sections locales du Québec. Elles venaient d’entamer une restructuration nécessaire et coûteuse et avaient promis à leur personnel et à leurs membres qu’elles ne perdraient pas un seul employé, quel qu’en soit le coût. L’augmentation des cotisations les obligeraient à rompre cette promesse et licencier du personnel.
Lors d’une réunion de suivi quelques semaines plus tard, lorsque Michael Goodwin a suggéré que la proposition était « à prendre ou à laisser », l’issue était inéluctable. Nous avons commencé à préparer notre sortie du SIEPB.
La situation ne s’est pas améliorée pour autant. Nous avions peut-être mis Michael Goodwin au pied du mur, mais le SIEPB n’avait pas l’intention de nous permettre d’invoquer la clause d’autonomie et de nous en aller.
Lors d’une réunion à Las Vegas organisée à la dernière minute, Michael Goodwin nous a informés qu’ils prévoyaient d’annoncer une motion sur « l’autonomie américaine » lors de la convention de juin 2004 qui aurait empêché les membres canadiens d’accéder au fonds de défense international et aurait supprimé la clause d’autonomie canadienne dans la constitution. Cette motion serait adoptée sans problème puisque les Américains représentaient les trois quarts des membres du SIEPB.
La seule manœuvre possible pour nous était une campagne massive de signatures, où la majorité de nos 35 000 membres répartis dans tout le pays devait signer en faveur de l’autonomie. Cette campagne devait être menée à bien en quelques semaines, avant la convention de 2004.
Il est difficile de décrire l’ampleur de cette tâche, d’autant plus que le SIEPB a tenté de nous mettre des bâtons dans les roues par tous les moyens possibles. Le syndicat international est allé jusqu’à publier des annonces pleine page dans les principaux journaux du Canada et a même intenté une action en justice devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, qui a été rejetée par le juge.
À l’approche du congrès de juin 2004, notre groupe de direction canadien affichait un optimisme prudent concernant le succès de la campagne de signatures. Alors que notre délégation se rendait en Floride, un accord de dernière minute pour une réconciliation avec le SIEPB semblait toujours une possibilité, mais ces espoirs ont été rapidement anéantis peu de temps après notre arrivée.
La veille du début du congrès, nous avons appris que 74 % de nos membres canadiens avaient signé en faveur de l’autonomie. Nous avions donc gagné notre pari.
De retour à notre hôtel après la remise de la lettre d’autonomie par Jerri New, notre délégation a célébré avec un chant spontané de « Ô Canada » en brandissant les drapeaux du Canada et du Québec. C’était un symbole du rassemblement de tous nos délégués à travers le Canada et du rôle particulièrement important que nos sections locales du Québec ont joué en ouvrant la voie à Montréal en 1959.
En novembre 2004, notre syndicat a tenu sa première convention canadienne officielle, établissant notre nouvelle constitution canadienne et notre logo.
Aujourd’hui, la solidarité continue de nos membres à travers tout le pays est un hommage à la solidarité et au courage sur lesquels s’est construit notre syndicat résolument canadien.
Le symbolisme de notre logo du 20e anniversaire
Pour la création du logo célébrant le 20e anniversaire de notre syndicat, il nous a paru important de mettre en évidence nos origines spécifiquement canadiennes et, en particulier, le rôle essentiel que les sections locales du Québec ont joué dans notre formation. Nous souhaitions aussi honorer notre image de marque et notre logo existant et ne pas nous éloigner de nos racines.
L’ajout de la feuille d’érable et de la fleur de lys dans notre logo rappelle notre rupture historique avec le SIEPB pour forger notre propre identité. De plus, placer la feuille d’érable dans le bleu et la fleur de lys dans le rouge, en contraste de leurs couleurs habituelles, symbolise notre union dans la solidarité.
Qu’est-ce qu’un nom ?
Une fois passée l’euphorie de la séparation d’avec le SIEPB, les délégués réunis en Floride se sont attelés à une tâche amusante : le choix du nouveau nom de notre syndicat 100% canadien. Une photo prise lors de leur première réunion en tant que syndicat indépendant révèle plusieurs acronymes à l’étude. Les noms complets peuvent être facilement devinés.
Le mot « national » semblait être l’un des premiers favoris pour faire partie du nom, bien que finalement, et probablement pour le mieux, il ait été abandonné en faveur du mot « canadien ».
Voici quelques-uns de ces acronymes : NUOPE, NOPEU, CPOW, NUPOW, CUPOW, NOPWU et OPENU.
En 2015, la section locale 378 de la Colombie-Britannique a choisi de changer de nom pour devenir MoveUP, the Movement of United Professionals (le Mouvement des professionnels unis en français) afin de mieux refléter l’évolution de l’image des membres.
Écrire notre histoire ensemble
Depuis 20 ans, le COPE-SEPB et ses branches locales aident les employées et employés de bureau à créer un syndicat dans leur entreprise à Montréal et partout au Canada.